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Marché de la cuisine 2024 : « Fluctuat nec mergitur »
À l’image du navire agrémentant le blason de la ville de Paris, le marché de la cuisine équipée, bien que battu par les flots... n’a pas sombré en 2024. Résilients, durs au mal, ses acteurs sortent ainsi malmenés d’une année en tous points éprouvante, qui a vu leur marché accuser un recul marqué (3, 7 Mds €, -6,2 %)... mais ne désespèrent pas de renouer avec la croissance grâce, notamment, aux premiers signaux de reprise progressive du marché de l’immobilier observé ces dernières semaines.
« La cuisine équipée enregistre cette année encore un recul marqué de ses ventes. Entre des ménages "frileux" en matière d’investissement dans un nouveau logement, un marché de l’immobilier neuf au plus bas et l’immobilier ancien “en panne“, les obstacles étaient trop nombreux pour que ce segment puisse espérer faire mieux. »
Asséné lors de la conférence de presse qui s’est tenue le mardi 11 février, et au cours de laquelle l’AF (Ameublement français), la CNEF (Confédération nationale de l’équipement du foyer) et l’IPEA (Institut de prospective et d’études de l’ameublement) ont dévoilé les résultat de la filière meuble réalisés en 2024, le constat est sans appel : le rebond attendu après un exercice 2023 chahuté (-6,9 %) ne s’est pas concrétisé, et la cuisine équipée a continué de souffrir l’an passé, en réalisant un chiffre d’affaires TTC de 3,7 Mds €, en recul de 6,2 %, et en totalisant 26,7 % des parts de marché de la filière meuble (-0,2 %). On soulignera par ailleurs que, en deux ans, la cuisine aura dévissé de 523 M€, soit un repli de plus de 12,5 %.
Résultats disparates au sein de la filière meuble
Autre enseignement : parmi les segments qui composent la filière meuble, la cuisine équipée accuse la baisse la plus importante, à l’exception du jardin (-8,4 %) et de la salle de bains (-7,2 %), qui ne pèsent guère en matière de parts de marché (respectivement 4,3 et 3,5 %). En revanche, les poids lourds que sont le meublant (32,8 % de PDM), la literie (14,8 %) et les canapés, fauteuils et banquettes (17,9 %) finissent certes en repli eux aussi, mais dans des proportions moins (voire beaucoup moins) importantes, comme le dévoile le tableau ci-dessous ; en somme, toutes les catégories de produits ne sont pas logées à la même enseigne.

On soulignera d’autre part que la filière meuble, dans son ensemble, boucle l’exercice 2024 en retrait de 5,1 % : « Pouvoir d’achat, arbitrages des ménages, attentisme, etc. : les Français reportent leurs achats de mobilier en attendant des temps meilleurs, ont précisé l’AF, la CNEF et l’IPEA lors de la conférence de presse mentionnée en incipit de cet article. Bien que l’inflation soit revenue à des niveaux plus en phase avec sa moyenne de longue période, les hausses de prix des années précédentes ne sont toutefois pas effacées et pèsent toujours sur le budget des ménages. Ceux-ci ont toujours l’impression que leur pouvoir d’achat est en baisse, bien que les données de l’Insee montrent le contraire. Dans ce contexte, le recul des ventes de mobilier d’un peu plus de 700 millions d’euros fait repasser le marché en dessous des 14 milliards. Les fortes chutes d’activité dans l’immobilier neuf et ancien auraient d’ailleurs dû impacter encore plus le marché, car 1/3 des achats de meubles est lié aux déménagements. »
Des spécialistes cuisine à la peine
En ce qui concerne la distribution, le manque de fréquentation et la difficulté à transformer auront, comme en 2023, pesé sur les performances des acteurs du marché qui présentent, dans leur grande majorité, des résultats en baisse… à l’exception de quelques spécialistes. À noter que la fréquentation des sites internet et des sites de décoration/relooking reste forte, signe que l’engouement des Français pour l’aménagement de leur logement est bien là, mais contrarié par un environnement anxiogène.
Parmi les canaux de distribution qui intéressent les acteurs de la cuisine équipée, les spécialistes, toutes familles de produits confondues, voient leurs résultats reculer (-4,2 %) dans des proportions identiques à celles de la grande distribution ameublement. Différents cas de figures sont toutefois à distinguer au sein de ce circuit hétérogène. Les spécialistes cuisine, par exemple, sont plus à la peine que leurs confrères de la literie et du salon, avec un repli proche de celui du marché de la cuisine.
2025 : un nouvel espoir ?
Faut-il pour autant considérer ces résultats comme décevants ? Ma foi, pas si l’on en croit l’IPEA, la CNEF et l’AF, qui ont pris soin de souligner, concernant l’exercice 2024, que « les fortes chutes d’activité dans l’immobilier neuf et ancien auraient d’ailleurs dû impacter encore plus le marché, car 1/3 des achats de meubles est lié aux déménagements. » En somme, les acteurs de la cuisine équipée et de la filière meuble dans son ensemble ont, contre vents et marées, réalisé des performances qu’il convient de saluer.
De plus, les perspectives ne sont pas aussi sombres que d’aucuns voudraient le croire, comme le rappellent l’IPEA, la CNEF et l’AF : « Depuis quelques semaines apparaissent de premiers signaux de reprise progressive du marché immobilier, auquel l’ameublement est en partie corrélé (…) À titre d’exemple, la FNAIM anticipe une légère amélioration du marché immobilier en 2025. Selon ses prévisions, les volumes de transactions pourraient augmenter de 6 %, pour atteindre environ 825 000 ventes sur l’année. Cette progression, bien que modérée, représenterait un premier pas vers une reprise durable. »
Et de conclure : « Cependant, ces premiers signes annonciateurs d’une prochaine reprise ne permettent pas de prévoir précisément ni sa date effective, ni son ampleur. Si l’activité à date ne permet pas encore de confirmer une reprise de la consommation, les échanges en magasin avec les clients témoignent d’une envie de libérer une partie de leur épargne au profit de la consommation, notamment dans le milieu haut de gamme. La reprise effective et franche de la consommation et des arbitrages en faveur de l’ameublement dépendra donc du moral des ménages et de leur confiance dans l’avenir, passant par la levée d’une partie au moins des multiples facteurs anxiogènes extérieurs (guerre, situation politique, cadre budgétaire français, etc.). »