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Phantastic, design by Arch. Ulisse Narcisi, d’Aran Cucine

25.1.2022

Quels sont les facteurs qui influeront sur le marché de la cuisine équipée dans les années à venir ?

Si de nombreuses mutations bouleversent actuellement le rapport qu’entretiennent les Français avec leur habitat (où la cuisine est reine), il est possible d’en anticiper dès aujourd’hui de nouvelles… qu’elles soient d’ailleurs engendrées ou non par la crise. Organisée récemment par l’IPEA/Institut de la Maison (soutenu par le CODIFAB), la conférence « Perspectives Meuble & Maison 2022 » a ainsi permis d’évoquer bon nombre de facteurs qui devraient impacter, à terme, le marché de l’équipement de l’habitat… et plus spécifiquement celui de la cuisine équipée.  


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« Il faut agencer l’espace, optimiser les mètres carrés, explique Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA. Le télétravailleur d’avant la pandémie est équipé, mais ce n’est pas le cas du télétravailleur du Covid ! Ce nouveau mode de fonctionnement n’est pas conjoncturel ; il va ainsi engendrer un réel marché de l’aménagement d’espace, avec différentes fonctions à proposer et un consommateur qui va monter en gamme pour s’équiper ». Sur la photo, Phantastic, design by Arch. Ulisse Narcisi, d’Aran Cucine

Si l’IPEA/Institut de la Maison a dévoilé – lors de la conférence annuelle qu’il a organisé en décembre dernier – des données chiffrées sur les dix premiers mois de l’année 2021 qui permettent d’appréhender la tendance dans laquelle devrait s’inscrire cet exercice, nous ne les dévoilerons pas dans cet article : en effet, les statistiques des mois de novembre et de décembre ne sont pas encore complètement finalisées. Du reste, l’IPEA, l’Ameublement français et la FNAEM consacreront, début mars, une présentation dédiée au bilan global et exhaustif de l’année écoulée. Tout vient à point à qui sait attendre…

Pour l’heure, passons au crible les facteurs propres à la relation qu’entretiennent les consommateurs avec leur habitat, et qui devraient avoir un sérieux impact sur l’équipement de la maison dans les mois et les années à venir.

Télétravail et achats en circuits courts

Cela fait l’objet de nombreuses études, depuis plusieurs mois déjà : de nouveaux rôles sont revêtus par le logement depuis les périodes de confinement, et des usages inédits lui sont attribués. D’emblée, on songe tout naturellement au télétravail ; si 11 % de Français l’avaient adopté avant les confinements, ils ont été 26 % à faire ce choix pendant les périodes de restrictions. Du reste, les trois-quarts de ces télétravailleurs indiquaient, en mai 2021 vouloir continuer d’exercer ainsi leur activité professionnelle… « Voici une première occasion pour les industriels, souligne Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA. Il faut agencer l’espace, optimiser les mètres carrés. Le télétravailleur d’avant la pandémie est équipé, mais ce n’est pas le cas du télétravailleur du Covid ! Ce nouveau mode de fonctionnement n’est pas conjoncturel ; il va ainsi engendrer un réel marché de l’aménagement d’espace, avec différentes fonctions à proposer et un consommateur qui va monter en gamme pour s’équiper ».

Mentionnons d’autre part la montée en puissance des achats en circuits courts ; en vrac comme en gros volume, ils ne concernent d’ailleurs plus uniquement l’alimentaire, mais aussi les pièces d’outillage (comme la visserie), les produits d’entretien, etc. Un fait de marché qui concerne au premier chefs les industriels de la cuisine équipée, tenus d’intégrer des solutions de rangement dédiées à ce nouveau mode d’approvisionnement lors de la conception de leurs produits, ainsi que l’explique Christophe Gazel : « 60 % des consommateurs concernés nous disent que leurs meubles ne correspondent pas au rangement du vrac. En gros, concernant l’alimentaire, la moitié des volumes achetés sont stockés dans des bocaux, et le reste dans des boîtes. Et tout est à disposition dans la cuisine, plutôt que remisé dans un cellier ».

« Dans quelques décennies, il n’y aura plus de terrains à bâtir ! »

Autre sujet dont il faut tenir compte car il va définir, à coup sûr, les réflexions des acteurs de l’habitat au cours des prochaines années : celui de l’évolution – dans sa structure – du logement des Français.

Si l’on en croit, par exemple, l’étude publiée par le think tank The Shift Project et intitulée Habiter dans une société bas carbone, l’une des priorités actuelles concernant le logement est de lutter contre l’artificialisation des sols ; il s’agit de diviser le rythme par deux sur la décennie à venir par rapport à la consommation des sols observée ces dernières années.

En conséquence, il faudra s’appliquer à réemployer les terres déjà construites plutôt que d’investir des zones vierges… Un objectif délicat, lorsque l’on sait que le besoin en logement des Français est toujours plus important, ne serait-ce qu’à cause des ménages se fragmentant suite à des séparations, des veuvages, ou encore de l’installation des étudiants, etc. : saviez-vous, par exemple, que plus d’un tiers des ménages de l’Hexagone est composé, aujourd’hui, d’une seule personne…

Rénovation de logements anciens

La rénovation du parc de logements anciens s’imposera à l’avenir comme une nécessité tandis que, fatalement, la surface moyenne des logements se réduira progressivement. Une évolution dont il faudra tenir compte, car elle contraindra le consommateur à optimiser encore son espace… donc à l’agencer toujours plus !

Avancées dans le cadre du Plan de Transformation de l’Economie Française, les solutions (une réduction progressive du nombre de logements neufs construits chaque année, ainsi qu’une réduction rapide et marquée de la proportion de maisons individuelles au sein de cette construction neuve) se révèlent dès lors paradoxales… Les maisons individuelles, par exemple, représentent actuellement 73 % du parc résidentiel national, et prennent, dans l’imaginaire collectif, une dimension de « rêve » ; et ce d’autant plus après les confinements successifs.

La consultation citoyenne Habiter la France de demain entamée au premier semestre 2021, et dont les résultats ont été dévoilés quelques mois après, le démontre d’ailleurs de manière flagrante : les conclusions de ce sondage mené en ligne ont ainsi consacré la maison individuelle comme un idéal, avec plus de 80 % des répondants déclarant souhaiter habiter dans un tel logement s’ils avaient le choix, contre 15 % en appartement ! Cette deuxième étude vient donc en confrontation directe avec celle du Shift Project : « En d’autres termes, l’Etat veut la verticalisation de l’urbanisme, tandis que les Français souhaitent rester à l’horizontal, d’autant plus après cette période que nous venons de traverser » résume Christophe Gazel, insistant aussi sur le fait que « dans quelques décennies, il n’y aura plus de terrains à bâtir ».

Un message Ikea… qui prend tout son sens !

La rénovation du parc de logements anciens s’imposera ainsi comme une nécessité tandis que, fatalement, la surface moyenne des logements se réduira progressivement (elle est de 90 m² selon les derniers chiffres). « Cette évolution du logement est, pour moi, centrale, lorsque l’on considère les perspectives de notre marché de l’équipement de la maison, car cela va contraindre le consommateur à optimiser encore son espace, et donc à agencer toujours plus… Ce que les acteurs ont commencé à faire, bien évidemment, poursuit le DG de l’IPEA. Mais cet enjeu revêtira encore plus d’ampleur, à l’avenir ».

Aussi le message d’Ikea, illustré sur la couverture de son catalogue en 2003, prend-il tout son sens : celle-ci présentait la perspective en hauteur d’un séjour, avec la légende « Jouez sur les volumes ». Autrement dit, il s’agissait déjà, à l’époque, de penser la surface de son logement non plus en mètres carrés, mais en mètres cubes ! « C’est toujours d’actualité. Ce mouvement de fond qui s’amorçait alors n’était aucunement conjoncturel ».

Ikea

Le catalogue Ikea de 2003 faisait déjà explicitement apparaître l’importance de penser son logement en volume, plutôt qu’en surface au sol.

« Les acteurs de la profession qui, pour vendre du meuble et augmenter le panier moyen, misent encore sur un consommateur qu’ils pensent propriétaire et/ou habitant en maison individuelle, vont donc voir leur marché se réduire considérablement. Sans doute avons-nous intérêt, dans ce cas, à observer le discours des chaînes de distribution allemandes, qui vendent au même budget moyen à un propriétaire ou à un locataire, qu’il occupe un appartement ou une maison… En résumé, outre-Rhin, ce n’est pas le statut d’occupation du logement qui fait qu’un consommateur va acheter un meuble plus ou moins cher. » CHRISTOPHE GAZEL, IPEA, DIRECTEUR GÉNÉRAL

Le rapport entre volume d’agencement et l’utilisation de la cuisine évolue

Mentionnons également l’explosion du petit électroménager et la nécessité de lui trouver des zones de rangement tandis que la cuisine, consacrée par les Français comme la reine de l’habitat, continue d’empiéter sur le séjour… ce même séjour qui, nous venons de le voir, ne devrait pas gagner en superficie dans les années à venir : « On peut même aller encore plus loin dans la perspective en se disant qu’un jour, tous ces appareils de PEM fonctionneront sur batterie, suivant le modèle de l’outillage portatif, avance Christophe Gazel. En conséquence, les cuisinistes devront certainement, un jour, inclure d’emblée des stations de charge dans leurs meubles ».

Un mot également à-propos de l’émergence de ces nouveaux appareils comme les potagers d’intérieur, encouragée par la mise en place de « fermes commerciales » que l’on peut désormais trouver dans certaines grandes surfaces, et qui proposent au consommateur de finir de cultiver ses plantes chez lui jusqu’à maturité… « Je dirais que nous sommes au virage de la relation de « pouvoir » qui existe entre fabricant d’électroménager et fabricant de meuble, en matière d’agencement de cuisine, explique Christophe Gazel. Avant, une cuisine, c’était un four et une plaque… Ensuite sont arrivés le four à micro-ondes, puis le four vapeur, puis la cave à vin, la machine à pain, à expresso, etc. Et, aujourd’hui, ces potagers d’intérieur. Il y a donc de plus en plus d’appareils embarqués dans la cuisine, et l’engouement croissant pour la préparation culinaire et les produits frais modifie réellement le rapport entre volume d’agencement et utilisation de la cuisine »

Accompagner la création de valeur

Ne perdons pas de vue, par ailleurs, que le consommateur a peur, par définition, de se tromper, aussi hésite-t-il souvent à acheter : il reporte, ou bien s’implique moins en termes de budget. « Si l’on veut continuer à augmenter le panier, il faut faire comprendre à ce consommateur qu’il ne se trompe dans ses choix… tout en le conseillant et en lui permettant de se projeter, soit en ligne, soit en magasin physique » avance le DG de l’IPEA.

Du reste, le secteur de la cuisine équipée est loin d’être inactif à ce sujet, avec la multiplication de logiciels de réalité augmentée, ainsi que de start-up capables de tout intégrer dans un back office pour accompagner un projet au plus près des envies et du budget d’un client donné… « On voit bien que face à un besoin de modularité et de personnalisation, tout le monde est en train de se mettre en route. Et cela, sur tous les segments de gamme » précise Christophe Gazel.

Et de conclure : « Accompagnons la création de valeur ! Tout le bénéfice de notre marché est de savoir associer le service au produit, soit avec de l’humain, soit avec des outils performants, etc. »

Ixina
Du côté des distributeurs, ce qui va primer sera la connaissance du consommateur, la fréquentation globale des magasins/sites, l’enjeu évident du « phygital », la RSE et les approvisionnements également, ainsi que, tout aussi crucial, le territoire de marque. Un travail d’envergure, mais passionnant ! Sur la photo, Magasin Ixina Saint-Alban (31140)

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