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Diane Collignon, fondatrice et directrice de Dito Intérieurs

30.5.2023

Diane Collignon (Dito Intérieurs) : « En orientant nos clients vers des produits plus vertueux, nous contribuons à façonner un monde plus durable ! »

Fondatrice en novembre 2022 et gérante du magasin Dito Intérieurs, sis à Pont-l’Évêque, dans le Calvados, Diane Collignon compte parmi les acteurs de la profession qui ont présidé aux destinées du hors-série Le Marché de la Cuisine 2023 consacré au développement durable. Plusieurs mois avant de lancer son activité d’agencement d’intérieur (cuisines, salles de bains, dressings, etc.), elle s’est ainsi rapprochée de la rédaction de Cuisines & Bains Magazine, soucieuse de s’informer sur le marché… et notamment sur la façon dont la filière appréhendait le sujet du développement durable. Ne maîtrisant que très superficiellement ce dernier, ladite rédaction a donc décidé de se faire pardonner en consacrant un hors-série à cette thématique !

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Cuisines & Bains Magazine : Quels sont, selon vous, les défis que présente le développement durable pour la filière cuisine ?

Diane Collignon : Ils sont – pour le secteur de la cuisine équipée comme pour les autres filières industrielles, au demeurant – particulièrement nombreux, et touchent tous les acteurs de la chaîne de valeur à travers l’ensemble de leur cycle d’intervention. À titre d’exemple, permettez-moi de citer, sans toutefois être exhaustive :

  • La gestion, le tri et le réemploi des déchets lors des déposes ;
  • La consommation énergétique des usines qui produisent les meubles, les composants (ferrures et panneaux) et les accessoires ;
  • L’optimisation de la logistique pour diminuer l’empreinte carbone liée au transport ;
  • L’emploi de matériaux biosourcés ou recyclés ;
  • La diminution de l’emploi de produits toxiques ;
  • La robustesse, la durabilité et la réparabilité des produits ;
  • Les appareils électroménagers: faut-il les choisir moins nombreux mais plus efficaces en matière de consommation d’énergie ?

Un autre sujet qu’il me semble important de soulever concerne l’évolution (éventuelle) des « business models » des cuisinistes: confrontés à l’évolution des besoins des particuliers, sommes-nous ouverts à l’idée d’entreprendre des projets de rénovation de moindre envergure, mais qui nécessiteront moins de produits neufs? Peut-être que certains de nos clients – pour peu que nous leur proposions cette alternative – accueilleraient favorablement la perspective d’une rénovation partielle, en choisissant de conserver certains de leur meubles en l’état…

Dito Intérieurs
Exposée chez Dito Intérieurs, à Pont-l’Évêque, la cuisine Carattere de Scavolini en deux tons de laque grise. Le plan de travail MDY en granit Cristallo sublime l’ensemble. Un plan coulissant en plaqué bois chêne nordique réchauffe l’ambiance.

CBM : Et quelles sont, justement, les attentes des consommateurs en termes de développement durable à ce jour ?

Diane Collignon : Je crois pouvoir affirmer que les particuliers que je reçois dans mon magasin sont assez représentatifs de la population, à savoir que les profils sont très variés. Certaines parmi les personnes qui me rendent visite sont, à des degrés divers, sensibilisés à ces thématiques ; ce qui enrichit les discussions que nous avons ensemble, dans la mesure où nous nous trouvons des intérêts communs. Sans vouloir employer de grands mots, parler de durabilité, c’est aussi évoquer une certaine « vision du monde » ; et dès lors que nous partageons cette dernière ou que nous échangeons sur la manière dont je m’efforce d’appliquer mes valeurs à mon activité professionnelle, des liens se créent.

Cependant, la durabilité ne constitue pas une priorité ou un critère de choix pour tous mes clients et prospects, loin s’en faut. C’est un constat (sans aucun jugement de ma part, du reste) que j’attribue d’ailleurs à la dichotomie qui existe entre la notion d’esthétique, de plaisir, et les préoccupations d’ordre environnemental. Je m’explique : l’idée de « plaisir », aujourd’hui, est souvent indissociable du projet cuisine. Or cette quête d’amélioration de confort, d’esthétique, de fonctionnalité – parfaitement légitime, au demeurant – a tendance à éclipser quelque peu les questions relatives au développement durable ; évoquer ces dernières reviendrait peut-être à ternir la dimension « plaisir » de l’acte d’achat.

Diane Collignon
Entre la bibliothèque Scavolini, le papier peint Caselio et les chaises de la marque joli pour un confort parfait, voici un environnement propice au travail. Par ailleurs, les clients et leur conceptrice travaillent sur un Quartzite Jadore vert au veinage délicat de MDY.

CBM : Soit ; mais comment informer nos concitoyens de ces questions qui vous tiennent à cœur ? Et à qui ce rôle incombe-t-il ?

Diane Collignon : Chacun a un rôle à jouer, me semble-t-il. En France comme en Europe, les pouvoirs publics, par exemple, mènent des campagnes de sensibilisation ; par ailleurs, ils promulguent des décrets ou s’efforcent de faire passer de nouvelles lois dont les obligations et les attentes de résultats contribuent à façonner un monde plus durable.

Il n’en demeure pas moins que tous les acteurs de la filière – depuis les fabricants de meubles de cuisine et d’équipement jusqu’aux enseignes de distribution, aux cuisinistes et aux poseurs – doivent eux aussi faire leur part !

CBM : Et considérez-vous que la profession se mobilise suffisamment sur ces sujets ?

Diane Collignon : Je n’ai pas l’impression que ces thématiques soient actuellement primordiales au sein de la filière. D’une part, les confinements successifs, le surcroît de travail suite à la reprise ou encore les problématiques d’approvisionnement se sont révélés, ces trois dernières années, des sujets bien plus prioritaires dans les agendas et les discussions ; ce que je peux comprendre. Une autre difficulté, plus sociologique celle-là, réside dans le fait que les professionnels qui composent le marché sont tout naturellement représentatifs de la population. Et la prise de conscience au sein de cette dernière est quelque peu… laborieuse.

Autre facteur à prendre en compte, le fait de parler d’impact carbone ou de durabilité ne va pas – sauf dans des secteurs de niche – permettre de vendre plus. Il ne s’agit pas d’un sujet particulièrement « sexy » ; il est certes dans l’air du temps, mais ne mobilise, pour l’heure, que celles et ceux qui se sentent, à titre personnel, concernés !

Il faut aussi considérer votre question sous l’angle du prisme générationnel. D’un côté, l’intérêt des populations plus jeunes pour un monde durable s’accroît ; de l’autre, ces dernières ne sont pas les plus représentatives des acheteurs de cuisines équipées.

Sans doute faudra-t-il compter une bonne dizaine d’années pour que ces sujets prennent progressivement une place significative ; mais les premiers signes d’amélioration peuvent déjà être observés et j’ai bon espoir pour la suite. Quoi qu’il en soit, le rôle du cuisiniste ou de l’agenceur d’intérieur est de faire des propositions et d’accompagner le client ; en orientant celui-ci vers des produits plus vertueux, nous participons à cette évolution durable, même sans demande explicite de sa part. Incidemment, j’ai remarqué que le terme de « qualité », utilisé à bon escient dans les discussions avec les particuliers qui me rendent visite en magasin, permet parfois de faire le pivot entre la recherche d’esthétique, de plaisir, de fonctionnalités… et l’impact en termes de durabilité.

Diane Collignon
Dans le magasin Dito Intérieurs, les confortables (et pivotants !) fauteuils Olivo de la marque joli sont mis en valeur par un mur coloré ; derrière celui-ci se cache le dressing Fluida de Scavolini.

CBM : Quels sont les critères qui ont vous ont guidé dans le choix de partenaires fournisseurs ?

Diane Collignon : Ils sont nombreux, vous vous en doutez ; certains avaient trait à des questions relatives au développement durable, d’autres non. En dresser la liste exhaustive se révèlerait trop fastidieux…

Je vais tout de même vous donner un exemple. Je souhaitais, aux prémices de mon projet, tisser un partenariat avec un fabricant de meubles de cuisine français; privilégier une production locale me semblait conforme à mes principes. Je n’ai cependant pas trouvé d’industriel tricolore qui réponde à mes besoins et mes exigences. J’ai donc élargi mon spectre de recherches en me disant qu’il importait peu, au fond, de privilégier une fabrication française si ses engagements en matière de respect de l’environnement ne rejoignaient pas les miens : ne valait-il pas mieux choisir un industriel allemand ou italien, certes plus éloigné de la France, mais dont les process de fabrication et la philosophie d’entreprise me semblaient plus vertueux ?

En somme, je me suis aperçue que, compte tenu des critères que je me suis imposés, tout ne se résume pas à un nombre de kilomètres parcourus: c’est l’un des paramètres dont il faut tenir compte… au même titre que la politique de développement durable de l’entreprise, de gestion de l’énergie, de l’eau, des produits toxiques, etc. Choisir mon partenaire fournisseur sous le seul prisme du « Fabriqué en France » me semblait dès lors par trop réducteur.

Attention, et j’insiste sur ce point : je ne clame en aucune façon qu’il ne faut pas acheter français! Chacun, cela va de soi, agit en son âme et conscience, selon ses propres critères de choix, convictions et exigences. Pour ma part, je pense simplement que la mesure de l’impact environnemental total – qui me préoccupe tout particulièrement à titre personnel – est excessivement difficile à évaluer, et qu’aucune solution n’est parfaite. Pour évoquer ne serait-ce que la question du transport, et si on considère la chaîne complète, il faut également prendre en considération l’approvisionnement des fabricants en panneaux, ou encore en ferrures, charnières et coulissants : l’origine du « sourcing », local ou non, entre ainsi en ligne de compte.

En somme, les choix liés à l’environnement sont toujours des compromis !

Noyon
Transporteur de Dito Intérieurs, Noyon Logistique a récemment obtenu le label « 6 PL ». Ce label de performances logistiques durables illustre la volonté de l’entreprise de réduire son impact environnemental et d’améliorer ses performances énergétiques ; de développer la qualité de ses prestations, ses avantages et ainsi sa compétitivité ; et de favoriser le progrès social et l’implication sociétale.

CBM : Avec quels fournisseurs avez-vous choisi de travailler ?

Diane Collignon : J’ai porté mon dévolu sur Scavolini comme fournisseur de meubles de cuisine, de salle de bains et de dressings. Ce fabricant transalpin m’a semblé avoir vraiment intégré la notion de développement durable depuis plusieurs années, avant que le sujet ne devienne omniprésent dans la société.

J’ai notamment été séduite par le projet « Green Mind », qui pousse l’entreprise à considérer la protection de l’environnement comme une prio- rité et qui intègre plusieurs facettes :

  • Contrôle régulier des émissions produites par les activités de production, dans le respect des limites légales et en vue de réduire les émissions polluantes et utilisation de systèmes efficaces de filtration, nécessaires pour réduire les substances polluantes émises dans l’atmosphère.
  • Tri soigné, en séparant plus de 30 types de déchets différents dont le papier, le carton, le bois, le verre, les métaux et le plastique, afin de récupérer plus de 90 % des déchets produits par les activités de production.
  • Attention portée à la consommation des ressources hydriques (dont l’utilisation est très limitée dans notre production) en adoptant autant de mesures que nécessaire pour éviter les gaspillages, et avec une attention particulière portée au « recyclage naturel » grâce à des bassins d’eau de pluie destinés à la prévention des incendies.
  • Numérisation maximale des processus de communication de l’entreprise, aussi bien en interne qu’en externe, en choisissant des papiers et des prestataires de services d’impression à forte valeur écologique.
  • Utilisation de processus et de technologies qui garantissent la sécurité et des impacts faibles sur l’environnement, associés aux exigences de qualité et aux performances. En particulier, les COV (Composés Organiques Volatils) présents dans les peintures sont réduits au minimum: ces composés organiques volatils sont contrôlés en permanence au moyen d’essais en laboratoire, dans le respect des normes strictes de la réglementation internationale LEED.
  • Utilisation depuis 2008 d’une énergie provenant exclusivement de sources renouvelables grâce à la couverture des établissements avec des installations photovoltaïques (projet Sunload initié en 2011), à l’utilisation certifiée d’énergie verte produite par des sources renouvelables et, lorsque cela n’est pas possible, l’utilisation d’énergie solaire.

Green Mind
Scavolini a depuis toujours considéré la protection de l’environnement comme une priorité ; par le passé avec des actions simples, aujourd’hui avec un programme (Green Mind) de plus en plus structuré et incisif. De nombreux « petits gestes » qui, cumulés, construisent un environnement meilleur.

CBM : Mais comment savoir si la communication des fabricants sur les thématiques liées au développement relève de la conviction ou du « greenwashing » ?

Diane Collignon : Il est très difficile de répondre à cette question… En effet, la communication est une chose ; la réalité de l’engagement qu’il y a derrière en est une autre. Comment distinguer l’une de l’autre ?

Il me semble, pour ma part, qu’une entreprise qui a pris à bras-le-corps ces thématiques il y a une dizaine d’années et plus, bien avant que ces dernière ne deviennent des sujets d’actualité, prouve qu’elle se préoccupe sincèrement de développement durable.

La communication sur l’engagement environnemental ou sur les mesures qui sont prises en vue de préserver la planète n’est pas, en soi, une mauvaise chose. Je crois qu’il faut garder cette notion à l’esprit : communiquer, c’est aussi un moyen de sensibiliser. Aussi la communication a-t-elle un rôle à jouer aujourd’hui, ne serait-ce que pour partager les progrès accomplis et les innovations mises en place par certains… et qui peuvent motiver d’autres à aller dans cette direction.

Toutefois, il faut que les engagements et actions prises soient réels et idéalement mesurables ; c’est d’ailleurs pour cela que nous avons des normes. Si les fabricants arrivent à répondre des normes plus strictes et plus élevées, ils démontrent ce faisant qu’ils améliorent leur impact environnemental ; et ça, c’est du concret !

Si je peux conclure sur une note personnelle : les enjeux du climat et de nos nécessaires changements de comportements sont parfois anxiogènes ou frustrants. Mais j’aime l’idée que Dito Intérieurs, à son échelle, participe à faire du développement durable un critère primordial de l’aménagement de nos espaces de vie, au même titre que le bien-être, l’ergonomie et l’esthétisme. L’existence de ce hors-série le prouve d’ailleurs et participe à mon optimisme ! Mon rôle de conceptrice implique, j’en suis convaincue, de sensibiliser les clients et partenaires les moins avertis et soutenir les plus convaincus dans leur projet raisonné et pérenne de rénovation. Je pense qu’il est essentiel d’ajouter la fierté au plaisir de vivre dans un intérieur plus vertueux.

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